XYNTHIA. Pour relever la grande muraille côtière de ses ruines, 120 millions au moins seront nécessaires. Un vertige
Suite à la tempete et aux inondations, la digue du Martray (île de Ré) a subit les effets du vent et de la mer (Photo Pascal Couillaud)C'est un QG d'opérations. Étalées sur la table, des cartes semblables aux documents d'état-major, précises au 1/25 000. Sur un écran s'affiche la liste des victimes, les soins préconisés, le coût estimé des interventions. Dans ce bureau de la délégation de la mer du Conseil général de la Charente-Maritime, à Rochefort, les techniciens recensent et colmatent sur feuille de calcul informatique les brèches dans la défense contre la mer. Ils parent à l'urgence : la ligne qui avait tenu un siècle et demi, si l'on considère ses plus forts ouvrages maçonnés, est enfoncée.
De la dune consolidée par enfouissement d'un tapis textile à la digue caparaçonnée de blocs calcaires aux abords des secteurs bâtis ou des axes routiers, en passant par des levées de terre en bordure de terres agricoles, 120 des 480 kilomètres du trait de côte de la Charente-Maritime s'étiraient pour défier la houle. Dès le XIe siècle, le territoire apprenait des Hollandais la technique de poldérisation pour protéger son or blanc, les marais salants de Ré.
Dans la nuit de samedi, la pression atmosphérique a chuté, la masse d'eau bousculée par un fort coefficient de marée s'est libérée, l'infernal cycle des vagues s'est déchaîné, poussé par le vent violent. Les dégâts sur la grande muraille côtière sont sans précédent. L'eau serait montée de 1,60 m au-dessus de sa cote théorique, a dévalé par-dessus les digues et, ce qui ne s'était jamais vu, s'est engouffrée dans les terres par la bouche de certains ports !
Protéger les zones habitées
« Dans l'urgence, nous devons intervenir sur une douzaine de sites. Priorités : protéger les zones habitées exposées à de nouveaux risques de submersion, notamment lors des prochaines grandes marées, à la fin du mois ; rétablir aussi les axes de circulation, précise le responsable de la mission départementale, William Proust. À moyen terme, une cinquantaine de missions seront à planifier. » Cela va du simple colmatage, à la reconstruction pure et simple. Et même lorsque la digue reste debout, il est important d'en contrôler l'assise, quand le remous produit par le débordement a pu fragiliser sa fondation.
Les questions sur la nature, la hauteur, et le financement de la reconstruction ne tarderont pas à se bousculer. Comme aucune collectivité ne fera alors, selon toute logique, l'économie d'une réflexion approfondie sur l'urbanisme dans les secteurs submersibles. Mais l'instant projette les énergies au pied du mur, et aux manettes des bulldozers. Gilles Duval, le maire de Saint-Clément-des-Baleines, donne la mesure : « Ce qu'il va falloir pour notre commune, ce sont cinq années de travaux et 7 millions d'euros. 800 mètres sont détruits, six trous béants de plus de 100 mètres chacun sont ouverts », dans un dispositif étiré sur 2,5 km.
William Proust dont la fonction lui permet d'observer le sinistre de plus haut désigne un vertige : 30 km de digues à revoir dans le fier d'Ars, 10 km dans la fosse de Loix-en-Ré, 1 500 m au Martray, cet étranglement de l'île de Ré où l'eau a scindé en deux la perle de l'Atlantique. Entre Esnandes et Charron, un ouvrage de 6 kilomètres a été débordé, mais l'inondation persistante entrave encore la précision du diagnostic. C'est l'état de choc et la liste s'allonge, paraissant concentrer les destructions entre La Rochelle et Bourcefranc, incluant La Perrotine sur l'île d'Oléron, crochetant par l'île d'Aix, poussant jusqu'à La Palmyre en presqu'île d'Arvert, et Mortagne-sur-Gironde dans l'estuaire.
1 500 à 5 000 € le mètre
N'avait-on pas tiré les enseignements de la tempête de 1999 qui déjà avait abattu son glaive ? « Bien sûr que si, tranche William Proust. Depuis 2004, 7 millions étaient investis tous les trois ans dans l'entretien. La doctrine des nouveaux plans de prévention des risques pour rehausser les digues, c'était de partir d'un coefficient de marée moyen de 80, d'ajouter une surcote de 2 mètres - celle observée en 1999 -, et de prendre encore 20 cm de marge. Sur Ré, on arrive ainsi à 4,50 m. » Encore insuffisant. Avec un coefficient de 102 samedi, l'eau serait montée 50 cm plus haut qu'il y a dix ans.
À raison de 1 500 à 5 000 € le mètre, suivant la nature de l'ouvrage, les premières estimations posent un coût global de reconstruction compris entre 120 et 150 millions. Dont 20 millions pour les seules urgences. À titre de comparaison, dans le programme tempête de 1999, le Département avait injecté 17 millions.
Source : Sud-Ouest du 2 mars 2010
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