18 mars, 2010

L'île de Ré au régime sans sel

TEMPÊTE. Vignerons, producteurs de pommes de terre AOC et sauniers ont vu leur terroir en grande partie brûlé par le sel

Trop souvent réduite à son rôle de réserve - si peu naturelle - à touristes, on en avait oublié que l'île de Ré restait malgré tout un terroir bien vivant. Et c'est hélas à la tempête que l'on doit aujourd'hui cette prise de conscience. Un terroir bien vivant certes, mais désormais ravagé. Parmi les victimes collatérales de Xynthia, des ostréiculteurs et les pisciculteurs de Loix, bien sûr, mais aussi les vignerons, les producteurs de pommes de terre et enfin leurs collègues sauniers. Calamité d'autant plus tragique que certains cumulaient parfois ces trois labeurs au sein de leur exploitation.


1 Les vignes brûlées par le sel

Noyées pendant plus d'une semaine sous l'eau de mer, 145 des 600 hectares de vignes insulaires ne sont encore que de boueux marigots dont on ne sait si le raisin ressurgira un jour. Ce week-end, près de 300 bénévoles ont donné la main à des viticulteurs qui n'ont pour l'heure d'autre choix que de nettoyer leurs parcelles dévastées et envahies par les algues, principalement vers la Couarde-sur-Mer. « Il faudra un gros mois avant de savoir si certaines vignes pourront repartir », prévient Christophe Barthère, le directeur de la coopérative. « Mais il est fort probable que les jeunes vignes, celles dont les racines ne sont pas très profondes, ne survivront pas au sel. Alors nous devrons arracher, puis replanter, ce qui veut dire pas de vendange avant au moins quatre ans. Pour les autres, les analyses de terrain nous donneront plus tard l'ampleur de la salinité. Personne en France n'avait jusqu'ici été confronté à une telle submersion salée, nous n'avons donc aucune certitude en la matière. »

Hormis quelques cèpes dédiés au vin de pays, l'essentiel du vignoble en sursis est ici classé en cognac et pineau.

2 Pommes de terre, la double peine

Parmi les 70 viticulteurs rétais, 25 au moins se sont diversifiés dans la fameuse pomme de terre primeur élevée au rang d'AOC depuis 1998. Une double peine qui frappe entre autres David Turbé, l'un des 30 maraîchers de l'île. « Je m'occupe de nettoyer mes vignes inondées, parce que pour la patate, il n'y a malheureusement plus rien à faire. Déjà que la plante n'aime pas trop l'eau, mais alors en plus quand elle est salée... » Selon une première estimation, 15 des 140 hectares de pommes de terre primeur seraient ainsi condamnés. Un sort d'autant plus cruel que le cher tubercule venait juste d'être planté, principalement aux alentours des villages d'Ars et de Saint-Clément-des-Baleines. « La récolte est donc foutue, comme celle de l'année prochaine tellement il y a de sel dans la terre. »

Pour autant, la pomme de terre nouvelle ne devrait pas totalement être absente des étals ce printemps, tout au plus très en retard, et forcément un brin plus chère.

3 Le sel des sauniers a fondu dans la mer

Ironie d'un sort qui n'aura guère épargné l'île de Ré, de nombreux marais salants ont sombré sous les assauts salés de l'océan. Par endroits plus de 4 mètres de bouillie, là où l'eau n'excède pas d'ordinaire la vingtaine de centimètres. « Nous avons été submergés, alors qu'à cette période nous commençons traditionnellement à vider les marais », confirme Loïc Picard, ce jeune saunier qui préside également à la destinée de la coopérative insulaire. « Dans certaines exploitations, c'est tout le réseau hydropique qui est à refaire, et en urgence car les grandes marées d'équinoxe laissent planer la menace jusqu'à la fin du mois. »

Et si l'immense silo d'Ars-en-Ré a fort heureusement été sauvé des eaux, plusieurs exploitants ont en revanche perdu toutes leurs récoltes amassées depuis trois années parmi les marais. « Du sel emporté et fondu par la mer, ou bien, au mieux, souillé et donc invendable pour la consommation humaine. »

Douloureuse subtilité administrative enfin, le sel n'est pas reconnu en France comme un produit agricole, mais seulement comme une ressource minière. Ainsi, les paludiers sinistrés pourraient bien ne même pas profiter du fond de calamités agricoles. « Quant aux assureurs, ils insistent pour l'instant sur le fait que l'arrêté de catastrophe naturelle concerne uniquement le sel stocké dans des bâtiments », s'inquiète Loïc Picard.

Alors, plus qu'aux incertaines offrandes officielles, les terriens de Ré préfèrent encore s'en remettre à l'éventuelle solidarité commerciale des estivants. « Peut-être que les gens qui connaissent notre région achèteront plus nos produits cette année », espère le vigneron David Turbé.

« En tout cas, Xynthia aura au moins permis de rappeler que l'île n'était pas qu'une colonie de vacances. Et déjà nous voyons des Parisiens nous faire des petits coucous depuis leurs voitures... les temps changent ! »

Source ;: Sud-Ouest du 15/03/2010

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