Voilà une ville singulière. Quand on sort de la gare, on pense encore que tout est simple. L'avenue Victor-Hugo, bien droite, bordée d'arbres, est là comme pour tromper le visiteur. Il entrevoit le théâtre, devine quelques bâtiments officiels... Et brusquement l'affaire se complique lorsqu'il bute sur l'eau calme d'une darse.
Faut-il aller à droite vers un autre canal ? Ou bien à gauche où apparaît encore un pont ? La ville est une île, ou plutôt des îles qu'il faut découvrir les unes après les autres en faisant confiance au mont Saint-Clair, qui toujours permet de se situer. Douze ponts à franchir, des kilomètres de quais à arpenter pour regarder les gros bateaux de pêche ou les modestes embarcations de l'étang de Thau. Des rues étroites agrémentées de palmiers, de beaux hôtels particuliers, des bâtiments néoclassiques... la ville s'offre aux marcheurs.
Elle dévoile ses lumières, ses parfums, ses accents divers qui font le charme des ports. Ici, l'influence de l'Afrique du Nord est présente, même lorsque le Marrakech a quitté le quai pour rallier Tanger. Ailleurs, c'est la langue espagnole qui domine, avant que les cris d'une vendeuse de tielles (tourtes à base de poulpe, de sauce tomate et d'épices) ne viennent imposer le calme.
Sète, port de mer, port de pêche, écluse entre l'étang et le grand large, est méditerranéenne. Riante et charmeuse comme ses habitants, elle rappelle les rues italiennes. Avec le linge séchant aux fenêtres, elle joue à singer ses aînées, Marseille ou Barcelone. Mais parfois, dans sa tentation de vouloir tout faire pour accueillir ses visiteurs, la cité va trop loin. Sur le quai Maximin-Licciardi, par exemple, quelques restaurants de spécialités suffisaient. Point n'était besoin de les faire se toucher pour transformer cette voie en une succession d'enseignes vantant toutes les mêmes plats.
Alors, il est nécessaire de poursuivre la route. De faire halte dans l'un des petits bistrots qui proposent vin blanc et coquillages en face des tristes murs en béton de la criée. De pousser plus loin jusqu'au môle Saint-Louis et de tenter la montée de la rampe des Arabes pour déambuler dans le cimetière marin. Une pensée pour Paul Valéry, un regard sur ces sépultures souvent ornées de porcelaine offrant le portrait des morts, et puis en face... la mer.
La rêverie terminée, il est temps de trouver un moyen de locomotion pour partir, cap au nord, direction la Pointe-Courte. Un village de pêcheurs, un quartier mis en images par Agnès Varda dans les années 1950. Là se sont installés des artisans chassés par la construction de la voie ferrée. Aujourd'hui, le mur d'une voie rapide les isole encore plus, soulignant la singularité du lieu.
Mais les habitants de Pointe-Courte s'en moquent car depuis des dizaines d'années ils ont appris à vivre éloignés du reste de la ville. Sur le quai du Mistral, les petites maisons accolées rivalisent de couleurs comme pour narguer ceux d'en face, les habitants de Pointe-Longue. Sur les berges de l'étang, les frêles embarcations sont prêtes pour la sortie du matin, les filets sèchent, des chats jouent avec les restes. A Pointe-Courte, il n'y a pas de bruit et l'eau de l'étang de Thau est comme immobile.
Source : Le Monde du 31.03.05
Ah Sète, la ville de Georges Brassens !!
RépondreSupprimeret de : Ève Angeli, Manitas de Plata, Pierre Soulages, Roger Therond, Pierre-Jean Vaillard,
RépondreSupprimerPaul Valéry, Agnès Varda, Jean Vilar.